L'expert des marchés publics

Le débat autour de l’incompatibilité supposée entre l’achat de développements en mode agile et le code de la commande publique est dépassé.

Selon la direction interministérielle du numérique (DINUM), l’obligation de déterminer avec précision la nature et l’étendue des besoins à satisfaire avant le lancement de la consultation peut s’appliquer à la nature des prestations envisagées plutôt qu’aux résultats finaux attendus. Les acheteurs, même les plus rigoristes, se sont ainsi laissé convaincre. Les derniers récalcitrants ont quant à eux dû se faire une raison face au constat du recours exponentiel aux prestations de développements en mode agile au sein de la sphère publique.

Néanmoins, la prise en compte d’un besoin évolutif, inhérente à la démarche agile, pose de nombreuses questions lors de la rédaction d’un marché ! La plus prégnante concerne le risque de substitution d’une obligation de résultat – « un système d’information permettant de » – à une obligation de moyen – « des équipes de développement dimensionnées de telle manière avec tel niveau de compétences… pendant la durée d’un sprint ». En effet, comment éviter l’écueil du choix du soumissionnaire le moins-disant ?

Pragma9 a longuement travaillé sur les problématiques de la contractualisation de l’agilité et plusieurs solutions ont émergé. Naturellement, elles sont différentes selon le contexte et l’ambition du marché ou le niveau d’expérience de l’agilité du commanditaire : équipes de développement « mixtes » au sein desquelles travaillent de concert des développeurs internes et des prestataires, agilité à l’échelle, tierce maintenance applicative mono-projet ou appliquée à un portefeuille de projets, etc.

  • La définition du besoin : la rédaction du dossier de consultation des entreprises (DCE) est une occasion de questionner la et ou les méthodes agiles déployées sur les projets et, in fine, de faire émerger une « doctrine agile ». Les retours d’expérience des clients, parfois très hétérogènes, enrichissent l’expérience opérationnelle de l’agilité développée par nos consultants. La phase de définition du besoin permet de circonscrire un modus operandi et un corpus méthodologique homogènes, sur la base duquel le DCE est construit.
  • Les procédures : la procédure avec négociation a permis, dans le cadre de marchés engageant des volumes de prestations importants, d’associer les compétiteurs à notre réflexion et en particulier de nous aider à déterminer des modalités de contractualisation de l’agilité à la fois engageantes pour les soumissionnaires et opérationnelles lors de l’exécution du marché. Les exigences de qualité/pilotage héritées d’habitudes de travail fortement ancrées ont été optimisées et adaptées aux attendus de la méthode agile.
  • La forme des marchés, notamment l’opportunité de la multi-attribution et les modalités de dévolution des bons de commande : nous avons en particulier souligné l’attrait du marché multi-attributaire « en cascade » qui a l’avantage de sécuriser le recours à des compétences spécifiques (développeurs, Scrum Master, Proxy-PO) dans des délais contraints. La forme de ce marché est particulièrement pertinente dans des contextes de mixité des équipes où le titulaire est envisagé comme un renfort en période de surcharge des équipes ;
  • La vélocité (vélocité de référence fixée au marché) : la notion de vélocité (complexité/capacité) constitue un aspect structurant des méthodes de développement agiles. Ainsi, dans le cas d’administrations ayant mis en œuvre un cadre « normatif » permettant d’associer un niveau de complexité, par analogie, à tout ou partie des tâches de développement, qualification et intégration concourant à la réalisation d’une user story, des cas d’utilisation ont été annexés au CCTP. Ces derniers ont permis d’introduire un engagement des soumissionnaires sur une vélocité « de référence », à laquelle leurs développeurs s’engagent sur toute la durée du marché (avec une pénalisation différente dans le cas contraire, différente selon les contextes – mode Run ou Build – ou le positionnement du sprint dans la release, etc.).
  • Le progrès de la vélocité : les dernières avancées du code de la commande publique ont été mises à profit, notamment pour que le progrès de la vélocité soit pris en compte d’un point de vue contractuel. Concrètement, le recours à une clause de réexamen permet la prise en compte du progrès de la vélocité au fur-et-à-mesure des itérations.
  • La maîtrise budgétaire : une idée forte discutée au cours de nos travaux est l’obtention d’un engagement forfaitaire du titulaire, à la maille de la release, sur la base d’une liste de features décrites de manière normative.
  • Les modalités de réception et de paiement des incréments : de nombreuses solutions originales ont émergé en la matière, à l’instar de la réception par défaut des tâches d’intégration d’un sprint et une mécanique de réfaction à l’issue des travaux de vérification opérés en fin de sous-release. Ces solutions s’inscrivent en réponse au double-impératif d’adaptation des paiements aux méthodes agiles de développement et d’accès des PME à la commande publique.

Florence Parly, en introduction du Forum des Achats Publics de 2018, a rappelé l’importance de l’innovation et de l’ouverture des pratiques de l’achat de public :

Acheter est une science complexe qui demande de la rigueur et de l’inventivité et qui parfois s’apparente à un sport de combat. Nous devons expérimenter, prendre des risques raisonnés mais assumés.

Nous, Pragma9, faisons nôtre cet état d’esprit dans chacun de nos travaux et ajoutons, notamment quand ils concernent la conception d’une démarche d’achat de l’agilité, qu’ au-delà d’un cadre contractuel innovant, la mise en œuvre de l’agilité exige des modalités de contrôle d’exécution novatrices, moins centrées sur la pénalisation des livrables que sur une véritable collaboration dans la durée, conformément à la logique d’amélioration continue attendue de l’agilité.

Olivier Dernoncourt
Associé de Pragma9

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